Soweto
Peter Magubane
Titres / Tracks

Préface de Johnny Clegg

         C‘est à l’âge de treize ans, à Johannesbourg, que j’ai découvert la musique de rue et le style de guitare si particulier des Zoulous. Cette initiation m’a conduit à connaître les nombreux foyers ouvriers de la ville et de ses environs, dont le plus célèbre est sans doute le foyer des hommes de Wemmer, qui se trouve au fin fond de Rissik Street, au sud de la ville. C’est là que j’ai appris la danse Isishemani. En tant que membre de la troupe de Richard Zwane, j’ai été amené, en 1971, à participer à un concours de danse au foyer des hommes de Dube, à Soweto. Nous nous y sommes rendus en camion ; les danseurs se préparaient à l’action en chantant à pleins poumons des refrains psalmodiés en question-réponse. Arrivé à l’orée du township, je remarquai une pancarte indiquant le début d’une zone noire et rappelant à tous les membres d’autres groupes raciaux qu’ils devaient être munis d’un laisser-passer officiel pour y pénétrer.
         Ce fut mon premier contact avec Soweto et je m’en souviendrai toujours. J’ai été immédiatement frappé par ces maisons, semblables à des boîtes d’allumettes, serrées les unes contre les autres, qui s’étendaient à perte de vue le long de mauvaises routes défoncées et poussiéreuses. De loin en loin, quelques terrains vagues où les enfants jouaient au football avec de vieux bidons... Mais ce qui m’a le plus marqué, je crois, c’est ce mélange de la campagne et de la ville, de l’ancien et du moderne, de foi chrétienne et d’animisme. Dans les rues étroites, les voitures slalomaient entre des carioles tirées par des chevaux sans âge. Des matrones, vêtues aux couleurs de l’Eglise Indépendante de Sion, croisaient des vieux rebouteux dont les étals de plantes étaient installés à même le sol...
         Après quelques palabres avec la police, qui ne voulait pas qu’un jeune blanc pénètre dans le foyer de Dube, nous arrivâmes enfin dans la place. La compétition était serrée, les équipes en présence rivalisant d’acrobaties, mais Zwane, composé en majorité de travailleurs immigrés, gagna rapidement les faveurs du public. Après cet épisode, nous prîmes le chemin du retour à travers les rues obscures de la ville. Plus nous avancions, plus les ténèbres s’épaississaient et les phares du camions perçaient à grand-peine le brouillard irréel qui prenait possession du township.
         Soweto est aussi l’endroit où Sipho, mon frère de sang avec lequel j’ai créé Juluka, et moi-même avons remporté nos premiers succès. C’est là que nous avons débuté en assurant la première partie du Mabatha de Welcome Msomi, à l’amphithéâtre de Jabulani. Un peu plus tard, en 1980, Juluka fit sa première apparition à l’Orlando Stadium de Soweto. Le succès fut tel, que, quelques semaines plus tard, nous recevions des propositions qui venaient des quatre coins du pays. Aujourd’hui, je peux dire que la célébrité de Juluka s’est faite en un jour, grâce à l’accueil inoubliable que nous a réservé le public de Soweto. Lorsqu’en 1986, Savuka se produisit au même endroit, à l’occasion d’un concert de soutien aux enfants emprisonnés, la police sud-africaine crut bon d’arrêter le spectacle à coups de matraques et de bombes lacrymogènes. L’état d’urgence était alors à son apogée, mais il est nécessaire de rappeler que les lois d’exception sont encore en vigueur aujourd’hui et que la police en tire toujours argument pour interdire les festivals de musique.
         Les pages qui suivent montrent tous les aspects, tous les visages de Soweto, saisis par l’oeil complice de Peter Magubane. Elles nous aident à comprendre comment et pourquoi le township est devenu l’une des villes les plus célèbres au monde, mais elles nous montrent également la face cachée de Soweto dont la vigueur jamais démentie et l’inépuisable richesse culturelle ne cessent d’étonner ceux qui connaissent cette ville et ont appris à l’aimer.
Johnny Clegg

 Lire le chapitre 7 - Week-end à Soweto - des rues qui dansent. 

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Photographies : Peter Magubane
Texte : Stan Motjuwadi et David Bristow
Traduction en langue Française : Gilles Tordjman
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Photographies : Peter Magubane
Text : Stan Motjuwadi and David Bristow
French translation : Gilles Tordjman

- In My African Dream -
The Johnny Clegg Discography